Promenade dans le parc.[Pv : Andy]

Zack avait décidé de revisiter un peu sa ville natale. Celle que sa famille plongeait dans la terreur. Il avait beaucoup changé depuis ses 16 ans. Sa musculature s'était énormément développée, et son visage s'était durci. Il arpentait les rues, croisant parfois des personnes qu'il connaissait, mais elles ne le reconnaissaient pas. Il avait un léger sourire peint sur les lèvres, et se dirigeait vers son terrain de jeu. Le Blood Park. Nommé ainsi en raison des fréquents bains de sang qui s'y déroulaient, la plupart causés et organisés par les Blaze.

Autour de lui, les voitures pétaradaient, les gens marchaient rapidement, pressés pour aller au travail. D'autres marchaient moins vite, flânant dans les avenues et les ruelles, ne sachant pas quoi faire. D'autres ne marchaient presque pas, abrutis par l'alcool ou la drogue distribuée dans les fumeries. Son sourire s'élargit. Il n'était pas sorti depuis qu'il était revenu du Japon, trop occupé à gérer les affaires de familles, à moitié délaissées pendant son absence. Il s'était aussi occupé de Cynthia, à qui il avait beaucoup manqué, apparemment, et donc n'avait eu que peu de temps libre. Maintenant qu'il avait enfin fait tout ce qui lui incombait en temps que chef de famille, il pouvait enfin prendre du bon temps.

C'est pour cela qu'il avançait calmement, sans se soucier de bousculer des passant, qui s'écartaient d'eux même en voyant sa haute stature, son regard glacial empli de violence, ses poings serrés, et son corps moulé pour la baston. Il semblait avancer complètement au hasard, complètement perdu, en quête d'un endroit où aller. Mais il savait précisément où il se dirigeait.

Quelques minutes plus tard, il entrait dans le domaine du vaste parc, couvert d'une herbe fine, souple et courte, avec ici et là des bosquets d'arbres, des petits étangs, et quelques personnes qui prenaient elles aussi du bon temps, allongées sur l'herbe, ou bien marchant au gré de leurs envies.

Avisant un banc non loin de lui, Zack alla s'y installer, et alluma une cigarette, qu'il fuma tranquillement. Cette journée s'annonçait plutôt bien... et la soirée serait bien mieux. Il comptait se mettre à jour au niveau des crimes, infractions et actes de violence gratuite. Mais ses pensées furent interrompues par un groupe de jeunes qui se pavanaient avec leurs costards, et qui avaient tous une rose dans la poche de leur veste avant. Des foutus Scaramozzino. Ils étaient inconscients de s'aventurer sur le terrain de chasse de Zack... Ils s'adressèrent à lui sur un ton arrogant, méprisant, et empreint de cette tonalité qui sied tellement aux enfants de riches pourris gâtés.

" Eh l'clochard ! Tu veux des sousous ? Pauv' gars... regardez moi ça les mecs. Quand on a pas de thunes, on s'habille de cuir et on fume des clopes... si mon père voyait ça il..."

Le rital n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Zack s'était levé, et lui avait asséné un violent coup de pied en pleine face, l'envoyant au tapis, inconscient, le nez et la mâchoire brisés. Il se tourna ensuite vers les trois autres qui le regardaient, choqués et surpris, le regard de Zack les sondant tous, rempli de soif de sang et de violence.

"Putains de Scaramozzino je vous jure..."

Il sortit un couteau de sa poche, et l'envoya droit dans le front d'un type qui s'approchait de lui. Il se jeta sur un deuxième, et le roua de coup jusqu'à ce qu'il sente les os du visage de sa victime se briser sous ses coups violents et rapides. Il n'en restait qu'un, qui hurla, et partit en courant, traversant le parc à une vitesse grandie par la peur et la crainte de se faire tuer.

"Hmm... ça fait du bien."

Il cracha sur les trois autres corps, et se rassit sur son banc, rallumant la cigarette qu'il avait perdu pendant la brève bagarre.

L'air était saturé d'activité, c'en était presque irrespirable. Il fallait la voir, cette foule qui avançait à droite, et à gauche, dans toutes les directions, dans un chaos à peine mesuré. Ceux-ci étaient en retard, ceux-là en avance, et tous trainaient les pieds sur le même sol qu'Andy.
Tripotant son insigne de police bien caché au fond de sa poche (mais à disposition malgré tout, on n'était pas à l'abri qu'il serve aujourd'hui), l'agile silhouette se faufilait parmi la masse de gens. Aucun coup de coude ne l'atteignait, et personne ne lui marchait sur les pieds, car c'était un félin doublé d'un serpent qui se dirigeait vers le parc. Rien n'était plus glissant, rien n'était plus furtif. Et ses yeux aux longs cils observaient les différentes scènes aux alentours, pour chercher la trace éventuelle d'un délit.
Rien à se mettre sous la dent pourtant, entre les amoureux épris qui s'étreignaient contre un mur, ou les badauds s'arrêtant à la terrasse d'un bar pour y siroter une boisson fraiche. Et le seul crime que l'on pouvait soulever était celui d'un homme d'affaire grillant un feu rouge pour traverser la rue.
Aucun intérêt.

Andy entra dans le parc et laissa ses pieds le guider là où ils en avaient envie. Traversant les étendues herbeuses, et les chemins de terre. Heureusement qu'il ne pleuvait pas, la boue aurait salit ses chaussures, ce qui leur aurait valu le droit d'être lavées, non sans quelques protestations de la part de la personne à qui elles appartenaient. Les mains enfoncées dans les poches de son pantalon, retroussant par la même occasion le bas de sa veste noire en coton, Andy se cherchait vainement une nouvelle occupation.
Un garçon attira soudain son regard. Beau, bien habillé, visiblement riche... le contraste que son visage effrayé offrait avec son allure générale était amusant. Un sourire étira les lèvres voluptueuses de l'étrange policier, qui s'engagea immédiatement sur la route empruntée par le jeune italien. Mais en sens inverse. Si il fuyait quelque chose, nul doute qu'il fallait y jeter un coup d'œil. La curiosité se faisait grandissante, et ses iris sombres fouillaient les lieux à la recherche de la cause d'une si grande frayeur.

Venir au parc n'avais pas été une mauvaise idée alors. Le bloody park ne portait pas ce nom pour rien, chaque flic le savait. C'était d'ailleurs une des premières informations capitales qu'Andy avait apprises lorsqu'il fréquentait le poste de police avant de débuter dans le métier. Combien de fois le lui avait-on répété ? Une bonne centaine, au moins. C'était le terrain de jeu de la Sagrada Familia, un coin morbide où l'herbe poussait rouge à certains endroits tant le sol était imbibé de sang.
Ses narines furent les premières à percevoir l'odeur caractéristique de ce liquide vital. Au sol, trois corps, près desquels Andy se planta avec un air presque dégouté. Celui qui avait fait ça s'en était donné à cœur joie, et avait souillé les vêtements de ses victimes avec moult éclaboussures pourpres.
Posté sur un banc se trouvait celui qui était probablement l'agresseur. Il n'était pas reconnaissable, un inconnus aux yeux du jeune officier de police. Il avait dans les yeux une lueur dérangeante qu'ont les gens violents de nature. Ses lèvres expiraient un nuage de fumée qui s'étirait paresseusement vers le ciel... Mais rien ne laissait supposer qu'il était le meurtrier. C'était l'heure de s'amuser.

La voix voilée et presque rauque d'Andy s'éleva dans le silence du parc comme les tons graves d'un violon humanisé :

-Triste après midi pour savourer la mort.

Zack était tranquillement assis sur le banc, quand il entendit des pas se rapprocher de lui. Encore d'autres malades qui venaient se suicider à la baston contre un Blaze ? Ils savent pourtant que la Sagrada Familia ne laisse jamais le moindre survivant derrière lui... Mais ils continuent. C'est un vrai régal pour ces fauves sans pitié...

Il tourna légèrement la tête de façon à avoir le... non, la... enfin... la personne qui s'était arrêtée près des cadavres dans son champ de vision. Il ne dit rien pendant un moment, occupé à essayer de jauger de quel sexe était ce... cette... enfin ça quoi. Il soupira, et balança sa cigarette aux pieds de l'inconnu, avant d'étirer ses lèvres dans un sourire mauvais, en entendant les paroles qu'il ou elle prononça.

"Il n'y a pas d'heure pour savourer cette odeur sanguine. Pas d'heure pour se repaître de ce liquide vital brûlant, nous éclaboussant la figure et dégoulinant sur nos corps pendant les batailles... pas d'heure pour dévorer des innocents de nos crocs en mal de viande fraîche."

Le visage de Zack alors calme changea subtilement. Ses sourcils se froncèrent, son regard devint dur comme du diamant, brûlant comme les flammes de l'enfer. Ses maxillaires se contractèrent légèrement, durcissant les traits du fauve. Il se leva, et fixa l'arrivant de toute sa hauteur. Ses biceps se contractèrent soudainement puis se détendirent, sous l'effet d'un frisson électrique. Les paroles qu'il venait d'envoyer suavement à la face de cet homme ou cette femme avait provoqué en lui de puissants désirs de violence, comme il n'en n'avait pas ressenti depuis un moment...

Fourrant les mains dans ses poches pour masquer leur léger tremblement, il se rapprocha légèrement de l'inconnu, un léger sourire sur les lèvres, des yeux pétillants.

"Vous savez ce qu'un tigre réserve aux intrus sur son territoire ?"

Sa langue passa sur ses lèvres fugacement. Il imaginait déjà le corps élégant de la personne en face de lui réduite à un simple tas de chair sanguinolent, baignant dans une marre de sang, les os broyés, les organes détruits... Il secoua légèrement la tête pour chasser les idées sanguinaires qui naissaient dans son esprit, et observa d'un visage calme son interlocuteur(trice), son regard n'étant en revanche pas calme du tout, empli de la volonté des instincts de Zack.

Il avait de longs cheveux bien noirs et bien brillants, qui masquaient en partie son visage de marbre. Il était grand, menaçant, et avait cet air de fauve enragé contrôlant mal sa fougue qui donnait des frissons aux agents de police. Souvent, ils s'étaient frottés à ce genre de type. Souvent ils étaient peu à en revenir.
Andy frémit à peine, les mains toujours dans les poches. C'était désormais évident que ce jeune homme était l'auteur du meurtre de ces trois garçons au sol, et il fallait maintenant le prouver. C'est en restant focalisé sur cet idée que l'esprit de l'androgyne épargna au corps tout autre démonstration de frayeur. Comme le caniche qui préfère aboyer à pleins poumons plutôt que de fuir face au tigre sauvage, Andy se contenta d'écouter les paroles de l'inconnu en face, et de répondre sur le même ton qu'avant.

-Je sais beaucoup de choses à propos des tigres oui. Mais cela semble hors propos, il n'y a nul félin à rayure en liberté dans Chicago. Peut être en trouverez vous un au zoo, qui sait. C'est bien là qu'ils ont leur place.

Le visage innocent et candide d'Andy se fendit d'un léger sourire de politesse, tandis que ses yeux de velour inexpressifs se posaient dans le regard de son interlocuteur. Il ne fallait pas montrer qu'il y avait de quoi avoir peur.
Dans sa jeunesse sa route avait croisé celle d'un balourd aux mauvaises attentions. Agressif, la mine patibulaire, il avait essayé de lui extorquer de l'argent. Mais plutôt que de se laisser démonter, Andy avait joué la carte du bluf, et avait fait croire à son agresseur qu'il était un Anderson. Quitte ou double, si le vilain était lui même un Anderson, l'enfant en aurait prit plein la figure. Or... ce n'était pas le cas, et l'autre détala comme un lapin, dans le doute. On pourrait dire que ce fut en ce noble jour qu'Andy se découvrit un talent pour le mensonge. Par exemple, son sexe n'avait jamais été un grand secret jusqu'alors. Mais comme il s'avérait que semer le doute pouvait lui servir, sa carte d'identité demeura bien cachée pour que plus jamais on ne soit certain d'avoir affaire à une fille ou à un garçon.

Les paroles sanguinaires de l'inconnu avaient sans nul doute affecté le policier encore anonyme plus qu'il ne voulait bien le laisser voir. Sous ses airs blasés, et presque placide, se cachait un esprit en ébullition, dégouté par les termes employés, fébrile à l'idée que le type brun en face pouvait être l'auteur d'autre crimes de ce genres, plus bestiaux les uns que les autres.
Andy serra les poings dans les poches de son pantalon, déglutissant avec difficulté pour trouver désormais les mots justes, sur un ton qui ne devait pas trembler, d'une voix qui ne devait pas défaillir. Ce genre d'individus méprisables qui se tenait près de lui inspiraient au flic une haine considérable, en plus du dégoût qu'il suscitait. Vouer son existence au sang et à la violence, ternir le beau tableau qu'était Chicago... et terminer précocement la vie d'innocents. C'était méprisable.

Derrière les yeux sombres et inexpressifs d'Andy, son esprit, guidé d'une main de fer par le désir de purifier la ville, cherchait les mots justes pour faire avouer à l'inconnu qu'il était bel et bien l'assassin. Mais quand bien même. Ce serait sa parole contre la sienne, et cela ne suffirait pas pour le mettre derrière les barreaux. Il lui fallait quelque chose de plus consistant... Ou bien ruser.

*Pas tout de suite, alors. Patience est mère de sureté.*

Le sourire d'Andy s'éclipsa. Il n'était pas authentique de toutes manières, juste une simple politesse. Il était temps d'ailleurs de se présenter :

-Andy Everett. À qui ai-je l'honneur ?

Zack prit son temps pour attraper son paquet de cigarettes dans sa poche, et alluma une cigarette, qu'il plaça au coin de ses lèvres pour avoir toute liberté de parole. Cette personne avait l'air relativement sûre d'elle... ses sous entendus à peine dissimulés avaient l'effet d'une mouche posée sur le pelage d'un animal, à savoir rien. Sa place dans un zoo ? Quelle blague. Chicago était le plus vaste zoo des états unis, sans le moindre barreau entre les cages, dans lequel chaque animal luttait pour sa survie. Il cracha un gros nuage de fumée vers le soi disant Andy Everett, et prit la parole, d'un ton suave, collant peu à son expression. Sa voix grave vibrait légèrement.

"Ne fais pas l'abruti, tu m'as très bien compris... tu es sur mon territoire chaton... et Chicago n'a pas de zoo, car la ville est elle même le zoo. Chaque personne ici recèle un fauve. Les plus forts savent l'éveiller, et dominent la ville. Les faibles restent de faibles animaux, qui boivent encore leur petit lait, subissant les assauts des tigres, lions, panthères, et autres prédateurs... Mon nom est Zack Blaze."

Il s'accroupit au sol, et passa sa main dans le sang qui ornait le petit chemin de pierres traversant le parc. Il lécha lentement chacun de ses doigts, son regard braqué sur celui d'Andy. Il savait, à voir ses expressions précédentes, que l'acte qui l'avait commis le révulsait. Alors que dirait-il (elle) en voyant ça ? Un sourire étira les lèvres de Zack, qui après avoir fini de nettoyer sa main, se releva lentement, fixant toujours Andy. Il avait constaté qu'aucune de ses questions n'étaient anodines, même si elles en avaient l'apparence. Elles étaient précédées d'un certain temps de réflexion. Il ne savait apparemment pas quelle conduite adopter...

"Tu peux toujours essayer de me balancer aux flics si tu veux... ils ont renoncé à approcher le casino depuis que la Sagrada Familia a entièrement exécuté un de leur détachement qui était venu m'arrêter... ils évitent tous la partie nord de la ville..."

Il sourit, mais son regard dur montrait clairement qu'il était sérieux. A cette époque, Zack n'avait que 16 ans, mais il était déjà réputé pour sa violence et ses tendances sanguinaires. C'était juste avant de partir au Japon. Les flics avaient eu la bêtise de vouloir pénétrer dans l'enceinte du Casino, pour arrêter Zack. Malheureusement, la plupart des membres de la Sagrada Familia étaient là à ce moment là, sans compter Zack lui même. Ils ont détruit complètement la dizaine de policiers présents, et allèrent déposer leurs corps massacrés et souillés par la violence devant le commissariat principal de la ville, avec un mot de la main de Zack, écrit avec le sang même des policiers, expliquant que chaque policier pénétrant sur le territoire de la Sagrada Familia subirait le même sort... depuis, ils étaient presque obligés de laisser courir les crimes affreux, et ne se manifestaient que lorsqu'ils franchissaient les limites de leur territoire...

Zack observait la personne en face de lui, curieux d'entendre ses réponses, sa voix, curieux de voir ses réactions. Ce type ou cette femme était intrigant(e), même si Zack ne tarderait pas à se lasser si jamais il ne montrait rien de plus...

Tant d'arrogances dans les paroles du jeune homme lui dressaient les cheveux sur la nuque. Alors il croyait vraiment que Chicago était son terrain de jeu ? Quel culot....
Qu'il se permette de traiter Andy de chaton, de faible, d'animal sans intérêt...passait encore. Après tout il n'y avait rien d'innovant là dedans, les policiers se faisaient toujours insulter de tous les noms. Et ceux là n'étaient pas les pires. Chaque intervention des forces de l'ordre était inévitablement ponctuée d'insultes vulgaires et de grossièretés. C'était dans l'ordre des choses. Les gens moches ne pouvaient que dire des choses moches.

Et puis c'était Zack Blaze. Ce nom sonnait familièrement aux oreilles de l'agent de police aux yeux de velours. Blaze était à associer à la Sagrada Familia, à n'en pas douter. Ne se trouvaient ils pas sur leur territoire, justement ? Les paroles du jeune homme à propos des tigres prenaient plus de sens, tout à coup.
Son attirance pour le sang était lisible dans les archives du poste de police. Andy, en fouillant les dossiers par simple curiosité, et pour se faire une idée un peu plus précise du climat dans lequel ses collègues évoluaient, avait lu de nombreuses fois des rapports concernant Zack Blaze. C'était un sale gosse morbide d'à peine un an de plus qu'Andy, qui vouait sa vie à la violence. Il avait même assassiné son père (enfin, beaucoup n'étaient pas d'accord sur les faits, et on distinguait deux partis différents au sein de la police : ceux qui craignaient ce malade mental de Zack, et ceux qui pensaient que tout ça n'était qu'une mascarade pour secouer un peu l'ordre public).

Andy retint à peine une grimace en voyant le jeune homme plonger ses doigts dans le sang qu'il avait lui même fait couler. C'était tellement sale. L'image se grava dans la rétine de l'agent dont les yeux se mirent à luire. Il était temps de commencer à calculer ses chances face à un monstre barbare et sanguinaire comme ce Zack. Elles étaient maigres. Tant qu'il ne savait pas expressément qu'il avait affaire à un policier, peut être qu'il ne serait pas trop dur de s'en sortir. Sous ses vêtements de civil, puisqu'Andy se refusait de porter l'uniforme justement dans le but de ne pas être reconnu, il y avait certes un gilet pare-balles, et un flingue coincé dans sa ceinture, mais il ne fallait compter que sur sa vivacité d'esprit et sur ses réflexes, aiguisés au fil des ans, pour oser espérer être encore en vie à la fin de leur entrevue.
Fréquenter le poste de police de Chicago lui avait énormément servi. Si sa carrure avait toujours été particulièrement frêle, Andy pouvait néanmoins se vanter d'avoir des réflexes vifs, et un corps souples, qui lui permettait souvent de tourner une situation à son avantage. On a toujours besoin de plus petit que soi, dit-on, et ses collègues prouvaient ce proverbe chaque jour.
Dans le cas où il y aurait confrontation donc, l'étrange créature fragile aux airs enfantins jouerait la carte de l'agileté, puisque ses muscles ne pouvaient pas rivaliser avec ceux de Zack. Enfin... dans le cas où il y avait confrontation. Étant un être doté de raison, Andy comptait bien continuer sa conversation passionnante – ou pas – avec son interlocuteur. Grapiller quelques informations à propos de sa famille, peut être, fouiner le plus possible et en toute discrétion sans jamais laisser douter du double jeu auquel les mafieux participent de leur plein gré.

-Es-tu certain de ce que tu avances, Zack Blaze ? Je ne serais pas aussi catégorique que toi concernant la police. Se croire hors de tout danger est le premier pas qui conduit à la défaite.

On aurait pu percevoir quelque intonations moralisatrices dans ces paroles. Ce n'était pas le cas. Andy cherchait juste un moyen de repousser l'inévitable affrontement qui guettait. Jamais encore une aussi dangereuse perspective ne s'était présentée. Ce serait l'occasion de tester ses propres capacités.

Zack fixait d'un air glacial la personne en face de lui. Quelque chose le dérangeait chez ce type. Peut être sa façon de parler, ou son attitude... Zack ne l'aimait pas, c'était clair. Mais sa curiosité naturelle le poussait pour une fois à faire appel à son cerveau. Ses questions n'étaient définitivement pas anodines. Il alluma calmement une énième cigarette, et fixa la fumée distraitement la fumée qui s'échappait de sa bouche, comme si Andy n'existait pas. Puis il tourna un regard tranchant comme une lame de rasoir vers l'individu en face de lui, un sourire en coin.

"Tu sembles t'y connaître, pour un jeune gars comme toi... Soit t'es du genre citoyen modèle, qui ne sait dans quelle merde il s'est fourré, soit tu es un flic, et tu es complètement inconscient..."

Il lâcha un nuage de fumée vers le ciel, et soupira.

"Si t'es flic, j'ai pas besoin de te dire comment ça a fini pour tes collègues qui ont tenté de m'arrêter... alors que je n'avais que 16 ans."

Il fumait tranquillement, son regard braqué sur l'individu en face de lui. La prudence n'était pas nécessaire de son côté. Ses nombreux combats, et son séjour au japon, lui avaient appris que la force brute n'était pas toujours efficace, et que la rapidité, l'agilité et la souplesse pouvaient se montrer bien plus meurtrières selon les situations. Il avait dû, en deux ans, rattraper le peu de retard qu'il avait à ce niveau là, puis était rentré, grandi aussi bien physiquement que mentalement. Il tourna la tête légèrement vers les arbres du parc, et fit lentement pivoter son regard, observant sereinement le Blood Park, dans lequel il avait passé tant de moments sanguinaires, ou même sensuels, allongé à l'ombre des bosquets, en compagnie de charmantes demoiselles aussi sauvages et avides de plaisir charnel que lui... Avec un soupir, il retourna rapidement sa tête vers Andy.

"Je ne suis pas catégorique avec les flics. Dis moi, donne moi un exemple de flic s'adonnant à tous les plaisirs de la chair, de la drogue de l'alcool, tous ces plaisirs qui font bouillir notre sang dans nos artères, oblitèrent notre raison, nous poussant aux limites de l'extase. Trouves-en un et je réviserai mon avis. Depuis 22 ans que je vis ici, j'en ai pas vu un seul."

Il se campa sur ses pieds, une main sur la hanche, l'autre tenant sa cigarette, avec toujours ce même sourire amusé au coin des lèvres. Il avait du mal à voir un truc pareil dans la police, même si les apparences étaient trompeuses... Si tel était le cas, il avait intérêt à bouger ses fesses rapidement ou à trouver un moyen d'empêcher Zack de le dévorer, car ce n'était pas chose facile... malgré le fait que ce type n'avait pas l'air menaçant du tout, et que Zack lisait entre les lignes de ses paroles comme dans de l'eau de roche... mais, c'était peut être volontaire. La suite des choses en apprendraient plus au tigre qui observait calmement sa proie.

Andy n'était pas inconscient. Le temps qui s'écoulait lui permettait justement d'en apprendre toujours un peu plus concernant son interlocuteur. Ses yeux de velours détaillaient la silhouette, haute et presque massive, observaient son regard d'assassin, jaugeaient sa force de frappe. L'air désinvolte de Zack en disait long sur son orgueil. Visiblement il n'avait peur de rien, ni personne.
D'un certain côté il y avait peu à craindre d'Andy. Surtout lorsqu'on ne sait pas à qui on a affaire, car sa silhouette maigre et élancée, féminine et élégante, ne laisse rien à supposer quand à ses talents pour l'esquive. Quand on a pas le physique pour se battre, on s'adapte, dirait on. C'était un peu le principe de l'évolution, dans la nature. Si Zack se considérait comme un fauve, alors Andy serait la gazelle, qui ne devait sa survie qu'à ses sens constamment aux aguets, et à son agilité sans pareille.

Andy n'était pas inconscient, donc. Et parmi les policiers de Chicago il n'en était pas un seul qui ne connaisse pas la fameuse histoire de ceux qui avaient tenté d'emprisonner Zack Blaze. Il était jeune encore à l'époque, mais déjà une certaine crainte faisait frémir les flics à l'écoute de ce nom.

-J'en ai vaguement entendu parler oui. Jamais la police ne m'a semblé si... pathétique. C'était un désastre d'organisation. Mais le passé est le passé.

Un léger sourire étira les lèvres pleines d'Andy, qui sorti lentement une de ses mains de sa poche pour arranger d'un geste négligent une mèche de cheveux, couleur de cendre, qui lui voilait partiellement le visage. Profitant d'un silence opportun, sa voix s'éleva de nouveau dans le parc silencieux, où même les oiseaux ne chantaient plus.

-Quand à savoir si il existe des flics pourris, qui abusent des matières illicites qu'ils perquisitionnent, qui trouvent mille excuses pour prendre l'apéro, qui jouent de leur uniforme pour s'amuser avec les putains enfermées dans les cellules du poste, et qui ont tendance à confondre partie de chasse et chasse à l'homme... Oui, il y en a, pour mon plus grand malheur.

Le pire pour Andy était d'avoir conscience de ces faits répugnants. Les traces étaient discrètes, mais néanmoins visibles. De la coke ne disparaît pas toute seule par l'opération du saint esprit. Et trop de criminels avaient péris dans les courses poursuites pour satisfaire les pulsions évidentes de certains individus peux scrupuleux. Sans doute pensaient-ils que parce qu'il s'agissait de criminels, qu'ils meurent avant ou après avoir été jugé ne changeait pas grand chose.
C'était insupportable de voir la justice si mal établie. Ces « erreurs », doublées de l'incapacité évidente des forces de l'ordre à faire régner la paix en ville, avaient motivé la jeune recrue à entrer dans les rangs de la police. Personne ne semblait comprendre les vraies motivations de cet androgyne qui avait fréquenté le poste depuis tout jeune. Et ça n'avait d'ailleurs pas d'importance, que l'on sache son but ou non. L'opinion des autres, finalement, lui servait peu.

Andy désigna les corps au sol d'un geste du menton :

-Je suppose que c'est à toi, ça.

Il fallait bien aborder sérieusement le sujet à un moment ou à un autre. N'étant pas venu là pour cueillir des fleurs mais bel et bien pour enfermer un ou deux malfrats qui traînaient dans le coin, Andy ne pouvait pas, ne devait pas, passer à côté d'une telle occasion. La prise était grosse, certes, mais il était courageux comme un lion, et prudente comme une biche.

Zack écouta distraitement Andy, ayant maintenant la certitude qu'il était un flic, et soupira. Dommage d'entendre un type comme lui dire ça de ce qui faisait le plus grand intérêt de la vie sur terre. Pourquoi exprimait-il tant de mépris et de dégoût envers ce genre de comportement ? La réponse était simple. Un manque cruel d'expérience et d'ouverture d'esprit. Ce type au cul plus serré qu'une combi latex ne savait absolument pas ce que l'on pouvait ressentir en proférant ce genre d'actes. Il devait se plaire sans à observer sans pour autant mettre un pied dans la cage aux lions. Alors tout ce qu'il ferait serait régi par l'échec. Comment un simple spectateur dans une arène pourrait combattre un fauve sans entrer dans l'arène ? Tout bonnement sans espoir.

"Tu parles. Tu es venu, tu as vu, mais tu n'as rien fait de concret. Le contraire de ce que je fais. Veni Vedi Vinci comme dirait César. Tu ne sais pas troquer la réflexion contre l'instinct et l'action. Tes collègues flics, même pitoyables, méritent plus de respect que toi."

Il cracha au pieds d'Andy, et retourna s'installer sur le banc. Andy posa une dernière question, qu'il trouva effroyablement stupide. A qui voulait-il que soient ces corps ? Aux vieilles qui faisaient leur marché ? Non mais sérieusement... tous les flics, et tous les citoyens savaient que rares étaient les criminels à provoquer de telles effusions de sang, et encore plus rares étaient ceux qui défiguraient à ce point leurs victimes.

"Evidemment que c'est moi qui ai fait ça, ducon. Trop aveugle pour avoir vu le sang sur mes mains ou trop bête pour avoir pensé à regarder ?"

Il esquissa un sourire narquois, et braqua son regard sur celui d'Andy, y insufflant une dureté et une sauvagerie peu commune. Il ne cilla pas, ne cligna même pas des yeux, se contentant de sonder brutalement son regard.

"Si tu comptes m'arrêter, tu peux oublier ça. Tu auras perdu la vie avant d'avoir sorti tes menottes. Dans les quartiers nord, un membre de la Sagrada Familia qui commet un crime, à plus forte raison lorsqu'il s'agit d'un Blaze, n'est pas puni. Ici, la violence règne et la Mafia bénéficie de ce que l'on peut appeler "l"immunité criminelle"."

Il alluma une cigarette, et tira dessus, sans cesser de regarder le flic face à lui, attendant avec impatience sa réaction.

Ça sentait l'impasse, et ça en devenait de plus en plus embêtant. Oh, Andy ne craignait pas pour sa vie. Zack Blaze avait l'air d'un monstre particulièrement agressif, mais bien des criminels avaient essayé de faire du flic androgyne leur casse croûte, et aucun n'y est jamais vraiment arrivé. La proie était trop pernicieuse, et savait se faufiler entre les mailles du filet. C'en était presque comique, d'ailleurs, de voir à quel point certains s'acharnaient à essayer d'attraper Andy. Ceux là n'avaient pas comprit sa valeur, sans doute.
Au contraire, certains Blaze, ou même certains italiens, avaient décidé d'essayer une certaine collaboration. Dans un sens...Andy n'était pas le flic qu'il voulait laisser croire. Faire régner la loi et l'ordre, oui, pourquoi pas. Mais il ne fallait pas être regardant sur les moyens alors. Vraiment pas regardant. C'était pas forcément la chose la plus agréable du monde, du moins quand on a l'esprit aussi carré que notre androgyne de service, mais il fallait bien se salir les mains. Trainer avec la racaille pour en savoir plus sur ladite racaille. L'écraser de l'intérieur en faisant pourrir ses organes malades de vice.

Pour l'heure, le problème était de savoir quoi faire. Andy voulait mettre Zack sous les verrous. Ce n'était pas une simple lubie de flic, c'était plutôt le résulta de toutes ces phrases provocantes, exaspérantes, méprisantes... La pression était montée petit à petit, faisant naître un désir de vengeance un peu inhabituel chez l'agent, même si l'on considère son affection très très limitée pour les criminels de manière générale.

-Tant de vulgarité... Tant de laideur... j'aurais bien des choses à te dire, Blaze, mais je pense que toutes ces choses tu les sait déjà.

Andy soupira. Il fallait s'occuper des corps, et pour ça l'aide d'un collègue ou deux ne serais pas de trop. Et un véhicule serait souhaitable également. Son petit entretient avec le fauve des Blaze touchait à sa fin, car cela ne menait nulle part. Ce ne serait en tout cas pas bénéfique pour Andy d'aller plus loin, mieux valait prendre le temps de bien analyser la situation. Observer ses techniques, étudier ses objectifs...
Zack Blaze était très bien connu des services de police. Les documents sur lui existaient donc. Mais il y avait un certain nombre de mises à jour à faire, quand à son absence ces derniers temps, et surtout concernant la famille. Est-ce qu'il allait la mener d'une main de fer pour s'emparer de toute la ville ? Ce serait très embêtant. L'idéal étant que les différents groupes de mafieux s'affaiblissent les uns les autres.

L'étrange individu aux yeux de velours prit la direction du bar le plus proche avec pour ambition de trouver un téléphone. L'idée de laisser l'autre fou avec les deux corps sanguinolents n'était pas forcément la meilleure, mais il n'y avait pas beaucoup d'autres choix.

-On est appelé à se revoir, Blaze.

Quelques mots de plus auraient été de circonstance, sans doute. Ajouter quelque chose comme « tâche de ne pas faire trop de bêtises » ou au contraire « Donne t'en à cœur joie, profite, tes heures sont comptées. » Mais à la vérité Andy ne savait pas du tout ce que lui réservait l'avenir dans ces conditions. C'était presque...excitant.

Zack balança sa clope, et serra les dents. Ce flic avait su être plus qu'exaspérant. Si Zack le croisait à nouveau, il le démolirait. De fond en comble. Il lui briserait chaque articulation, puis bousillerait chaque organe, et finirait par frapper sa tête à coup de poing jusqu'à ce qu'on ne puisse plus jamais l'identifier. Il était révulsé à cette idée, mais pour Zack, cette rencontre avait été un échec cuisant. Il n'avait pas cherché à cacher qui il était, ce qu'il avait fait. Mais... quelque chose clochait. Certes Andy était probablement parti avec l'idée que Zack était un gros bras sans cervelle, mais... Il savait très bien jouer au con. Dans l'esprit et sa façon de penser, Zack était extrêmement retors, vicieux, et manipulateur. Cette brutalité, elle était feinte. Nul doute qu'il avait un sacré penchant pour les sensations fortes et la baston, mais pas au point d'abandonner toute part de raison. Quoi qu'en combat... C'était surtout chez lui, dans le Casino, qu'il laissait libre cours à ses pensées.

Il détacha une des trois ceintures qu'il portait sur son pantalon de cuir, et la passa autour du cou des trois cadavres. Il la noua, et une fois cela fait, il les souleva, et attacha l'extrémité de la ceinture à une branche assez haute d'un arbre bordant le petit chemin de graviers traversant le parc. Et voilà, ils étaient pendus, et prêts à être cueillis par le premier nécrophage ou le premier flic qui passerait par là. Puis il fit demi tour, ralluma une clope, et se dirigea vers le Casino, perdu dans ses pensées.
Il ne voulait plus jamais voir ce mec ou cette femme, comment savoir, aux cheveux gris et aux manies arrogantes. Il ne pourrait pas résister à l'envie de le dévorer tout cru. Que quelqu'un ose le provoquer et le mettre à mal comme ça sur son propre territoire, c'était tout simplement inadmissible. Il ne savait pas vraiment ce qui s'était passé pour qu'il ressente cette fin de journée ainsi, mais vraisemblablement, comme il n'arrêtait pas de se le répéter depuis toute à l'heure, quelque chose ne clochait pas avec ce poulet.

D'une, il faudrait donner son signalement à la Sagrada. Soit ils l'évitent, soit ils en font de la pâtée pour chien, mais ils ne le laissent pas se balader impunément dans les quartiers nord. Un léger sourire apparut sur ses lèvres. Il pourrait aussi appeler Will'. Ils se connaissaient depuis un moment, même faisant partie de familles ennemies. Et tant que ça n'interférait pas dans les intérêts des deux familles, ils faisaient ce qu'ils pouvaient pour s'aider. C'était là qu'on pouvait voir à quel point les raclures de la société, en l'occurrence les mafieux, peuvent régir à leur envie les évènements et le contrôle d'une ville aussi massive que Chicago...

"On s'ra appelé à se revoir ouais..."

» Andy Everett
» Soeurs jusque dans la folie ? [Anna]